« Je ne suis pas mort dans le désert, ce n’est pas pour mourir maintenant ».
Pendant plus de 30 ans, Pierre Camatte a été arbitre de hockey et professeur d’éducation physique. Mais c’est son engagement à la tête d’une association de lutte contre le paludisme qui l’a conduit en Afrique. L’humanitaire y est enlevé le 26 novembre 2009 par le groupe Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Relâché après trois mois de captivité dans le désert malien, il est depuis retourné dans les Vosges, où il continue ses activités associatives.
La captivité: « C’était une expérience hors normes. Quand on pense ‘captivité’, on pense ‘prison’. Mais là on était dans le désert. Il y avait juste deux 4×4 et moi, un peu à l’écart, dans le sable. J’avais une couverture pour me protéger du soleil la journée, et pour me couvrir la nuit. Je ne savais pas où j’étais… Ma prison c’était le désert, l’immensité ».
« On m’a frappé le jour de mon enlèvement, j’avais des côtes cassées. Je n’ai jamais eu droit à un médecin ou à des médicaments! J’ai mis quatre à six semaines avant de retrouver un état physique normal. La nuit, je faisais des pompes et des abdos pour essayer de retrouver la forme ».
« Je mangeais tout ce qu’on me donnait: pâtes, riz, viande, mouton. Ce n’était pas très bon, et l’eau était horrible: elle était stockée dans des fûts de 100 litres et avait un goût d’essence. J’ai perdu une dizaine de kilos ».
« Ils ont voulu m’islamiser alors que j’étais agnostique. Je les mettais toujours en difficulté en leur retournant leurs propres contradictions… Ça les dérangeait beaucoup, vu qu’ils n’étaient pas des prosélytes formés ».
La libération: « On m’a emmené au palais du président ATT [Amadou Toumani Touré], à Bamako. J’ai attendu, seul dans un salon. Et puis Nicolas Sarkozy et quatre membres du gouvernement sont arrivés. On a fait une conférence de presse sur la terrasse du palais, il devait être aux alentours de minuit. Moi qui sortais à peine du désert, où j’avais vécu dans des conditions épouvantables, voilà que je me retrouvais 24 heures plus tard entre deux présidents et quatre ministres! »
« Au moment de revoir mes proches, j’ai éprouvé de la culpabilité parce que je les avais fait souffrir. Je n’osais pas sortir de l’avion, j’avais peur de revenir dans cette réalité là ».
« J’ai été surpris, submergé par le déferlement médiatique. TF1 me voulait au 20H, en direct, alors que je venais de rentrer. Je n’avais pas dormi depuis 48H… Je ne savais pas si j’allais pouvoir maîtriser mes réactions. J’ai aussi reçu beaucoup de sympathie de la part des personnes de ma ville, Gérardmer ».
L’après: « Je suis toujours harcelé à chaque fois qu’il y a un événement lié à une prise d’otage. Il y a deux manières de réagir: ou on se replie sur soi, et on reste malheureux, détruit de l’intérieur, ou on parle, on sort. C’est ce que j’ai choisi de faire. Je me reconstruis comme ça. »
L’Afrique: « C’est en 1995 que j’ai découvert la terre d’Afrique. Je m’y suis installé fin 2009. Pour l’instant, je n’ai pas du tout envie d’y retourner. Il y a là-bas une situation d’insécurité permanente ».
L’écriture: « J’écris. Je prends le temps de le faire, je ne me suis pas imposé de rythme. Il y a des malaises, des moments où je pleure, alors qu’avant, je pleurais très peu. Ce n’est pas évident, mais quand le bouquin sera fini, j’en serai débarrassé. Ça va m’aider à tourner la page. Je ne dois pas garder en moi quelque chose qui peut me détruire ».